❧ Traits de caractères. Autant que vous voulez.   ❧    Traits de caractères. Autant que vous voulez. ❧ Traits de caractères. Autant que vous voulez.   ❧    Traits de caractères. Autant que vous voulez. ❧ Traits de caractères. Autant que vous voulez.   ❧    Traits de caractères. Autant que vous voulez. ❧ Traits de caractères. Autant que vous voulez.   ❧    Traits de caractères. Autant que vous voulez.

❧  Il y a quelque chose de terriblement frustrant à ne pas me souvenir de ces premières années de ma vie et qui, si j’en crois Freud comme ce bon vieux Lacan, déterminent rien de moins que mon existence toute entière. Pas le moindre spectre des mains de ces parents qui ont existé puisque je suis là pour en attester. J’ai leurs gènes, leur ressemble peut-être même ? Qui sait, après tout ? Peut-être ces médecins auxquels je fus confiée quand on me trouva, errante sur le rivage. J’avais huit ans. Et pas le moindre souvenir, même confus ou brumeux. Rien. Pas même un nom à donner moi non plus.

Mais, contrairement au Gamin, on ne chercha pas à m’enfermer ni encore moins à me briser. Non… Bien que j’ignore encore la raison d’une telle chance, je fus immédiatement prise en charge. Et si je passais bien par les cases hôpital et services sociaux l’académie où j’atterris était comme une bulle de douceur bien loin de l’image presque cliché des orphelinats traditionnels ! J’ai aimé… non, j’ai adoré grandir au sein de l’académie Waldegrave ! J’y ai été heureuse, entourée d’amour et ai pu ainsi m’épanouir dans cette vie dont, pourtant et aujourd’hui encore, je m’entête à chercher les premières pièces.

Thomas dit que j’ai tort de chercher. Que mon passé importe peu et seul notre avenir compte. Étrangement, ou pas d’ailleurs, cette façon de toujours parler de nous comme d’une entité unique m’agace. Vraiment. Beaucoup ! Pourquoi ai-je consenti à lui offrir ma main alors ? Je n’ai pas dit oui ! Je doute de jamais le dire. Mais, comme tous ceux de sa famille, Thomas Waldegrave n’en fait qu’à sa tête… Je devrais lui parler, je sais. Je le ferai. Un jour, quand j’aurai cessé d’être lâche. Mais briser le cœur du seul ami que j’ai jamais réellement eu… et puis, je dois admettre qu’il fut un temps où l’idée de devenir sa femme n’était pas pour me déplaire. J’avais dix-sept ans. C’était avant. Avant… Oui, avant ça aussi…

❧  Que les choses soient bien claires entre nous : oui j’apprécie énormément m’en jeter un petit le soir en rentrant du boulot. Voir deux. Et parfois plus. Vin, français de préférence car ces mangeurs de batraciens ont au moins cela pour eux de savoir faire les fromages et le vin, et oui j’aime peut-être plus que de raison certains whiskys irlandais. Mais, jamais, je ne suis si ivre que j’en roule sur ou sous les tables ! Bon, peut-être cela m’est-il déjà arrivé une ou deux fois par le passé. Peut-être, oui. Mais jamais au point d’oublier ce que j’avais fait la veille ! Alors, non, je ne m’explique pas ce tatouage à ma nuque. Une rune, paraît. Aucune idée de ce qu’elle signifie en revanche. Et c’est fou mais j’ai fait tous les salons de tatouage de l’île et tous m’ont juré leurs grands dieux ne pas m’avoir eue au bout de leurs aiguilles. Je ne me le suis quand même pas fait tout seule oh ! C’est à peine si je sais me servir de mon grille-pain alors me tatouer…

❧ Les gens vous le diront, vous le rediront et vous le confirmeront encore et encore, et jamais sans râler je suis prête à le parier, je ne suis définitivement pas quelqu’un de sociable. Certaines âmes, toujours aussi bien intentionnées que leurs langues sont des pistes à mouches, vous le chuchoteront même dans un sourire dédaigneux ou moqueur : je suis une sauvageonne. Un ermite qui préfère la compagnie de ses innombrables livres à celle de ses semblables. Et c’est vrai ! Les livres me nourrissent. Ils gavent mon imagination comme la salade rassasie Carambar -ma tortue- et ils me font voyager vers toutes ces terres et ces contrées que je ne verrai jamais.

Vraiment, jamais. Pas que j’ai l’interdiction ou la peur de quitter l’île. Au contraire, j’en rêve ! Mais j’en suis physiquement incapable. Chaque fois que j’ai tenté ma chance on m’a évacuée en urgence et ramenée à l’hôpital. Dans un état aussi lamentable que celui où l’enfant orpheline que j’étais fut trouvée.  On dit de moi que je suis traumatisée, fait un blocage psychosomatique. Je suis psychiatre je ne peux renier d’emblée cette possibilité. Même si je n’y crois pas. Je le jure ! Quand je veux quitter Dark Falls c’est comme si mes organes s’embrasaient, se consumaient de l’intérieur. Je brûle en dedans ! Et, oui, ça fait mal à en survivre !

Encore un mystère dans ma vie… comme si je n’en avais pas déjà assez à gérer au boulot ! Ce midi j’ai vu une fille qui est elle aussi frappée d’amnésie mais elle se prend pour un lynx ?! Faut arrêter de lire des livres fantastiques bichette ! La magie et ces choses-là ça n’existe pas ! Ça, j’en suis certaine !


❧ Un chat noir. C’est ainsi que les gens me voient parfois. Et si cela comptait dans la roue du zodiaque - car oui je lis mon horoscope religieusement tous les matins même si je n’y crois que lorsque cela m’arrange - je serais donc chat noir ascendant Gaston Lagaffe. Non, je n’ai jamais trouvé de trèfle à quatre feuilles ! Non, je ne gagne jamais à la loterie. Et, oui, si une fiente doit atterrir sur le crâne de quelqu’un ce sera sûrement pour ma pomme. Idem, un seul appartement est inondé dans tout l’immeuble suite à une fuite ? Ce sera le mien ! J’ai la poisse et je suis maladroite à clouer mes doigts, à me prendre un coup de jus en branchant mon chargeur de téléphone ou à me manger les poteaux et les réverbères parce que j’oublie parfois de regarder devant moi. Ça fait parfois mal mais, le plus souvent, c’est rigolo ! Enfin, moi, j’en ris.

❧  Je n’ai aucune ambition. Du moins si l’on s’en tient à la définition classique du terme. Non, je ne suis pas devenue médecin pour faire fortune ou acquérir une gloire dont je n’aurais que faire de toutes façons ! Tant que j’ai de quoi vivre décemment et poursuivre mes rêves,  trop simples à ce qu’il se dit dans mon dos car les gens sont lâches, l’argent m'indiffère ! Même si j’avoue que la gestion de ce refuge que j’ai ouvert me coûte toutes mes économies. Mais je tiens à ce lieu ! C’est important que ces gens sachent que, quelle que soit leur histoire ils trouveront toujours ici de quoi se laver, se nourrir et même cette chaleur humaine dont ils manquent plus que tout. Et puis si je ne devais avoir qu’une fierté ce serait celle-ci : avoir réussi à convaincre des gens de me suivre, de m’aider à faire vivre mon utopie. Non, pas une utopie : mon rêve !

❧  Je ne sais plus nager. Ceux qui m’ont retrouvée sur la plage alors que j’étais enfant ont déduit que je ne pouvais que savoir nager… Évidement les chances que je sois tombée du ciel étant moins que probables il semble en effet logique que je me sois échouée. D’où je venais ça, en revanche… Mais toujours est-il que depuis cette époque j’ai une peur panique de l’océan. De l’eau, plus largement en fait. Même une piscine, si je n’y ai pas pieds j’évite. Pour vous dire même ma baignoire me fait parfois paniquer ! Donc, non, les promenades en mer ce n’est pas pour moi !

❧ Parfois je rêve. Souvent. Tout le temps et même quand je ne dors pas. Des drôles de rêves… cotonneux, brumeux et auxquels je comprends rarement quoique ce soit. Mais des rêves qui, parfois, ont le don se prendre vie. Non, je m’exprime mal. Ils ne prennent pas vie, cela est aussi ridicule comme idée que c’est impossible. Mais ces songes éveillés sont pareils à des…visions, des présages. Oui, c’est ça : des présages ! Ridicule et impossible aussi, hein ? Je sais. Et pourtant, c’est vrai. N’avais-je pas rêvé du Gamin ce jour-là ? Je n’avais pas vu ses traits, non. Mais je suis sûre et certaine que c’était lui. C’est parce que j’ai rêvé de lui que j’étais restée traîner ce jour-là. Comme si j’avais su. Qu’il viendrait. Qu’il aurait besoin de moi… ou moi de lui ? Ridicule, oui, je sais ! Et alors ? C’est pas plus ridicule que de croire en Dieu !